The Echo of Poetic Possibility

Ben Lerner, Leaving the Atocha Station

Although I claimed to be a poet, although my supposed talent as a writer had earned me my fellowship in Spain, I tended to find lines of poetry beautiful only when I encountered them quoted in prose, in the essays my professors had assigned in college, where the line breaks were replaced with slashes, so that what was communicated was less a particular poem than the echo of poetic possibility.

[See Witold Gombrowicz.]

La faim du livre

Along with Gérard Berréby, Augustin Trapenard, and Hervé Laurent, I was interviewed by Linn Levy for a piece entitled “La faim du livre” which appeared in the December 2013 issue of Swiss magazine Edelweiss. The article features on pp. 44-47; my interview is on p. 46.

La faim du livre

Edelweiss part en quête de la littérature contemporaine, des mots qui dérangent et se demande si être écrivain veut encore dire quelque chose par les temps qui courent. Quatre intellectuels se penchent sur ces questions et nous éclairent.

«Nous sommes les visages de notre temps», clamaient les futuristes russes, le poète Maïakosvki en tête, il y a exactement un siècle, pétris de la conviction que l’art qu’ils inventaient allait renverser l’ordre des choses, qu’en récrivant le monde ils façonneraient le futur. Et aujourd’hui? A qui appartiennent les visages de l’époque contemporaine? Peut-on encore écrire? Et quels sont, parmi le demi-millier d’ouvrages publiés cette rentrée en Suisse et en France, ceux qui tordent la littérature, l’éprouvent, l’inventent? Oui, dans quels livres trouve-t-on les questions que nous ne nous sommes pas encore posées? Difficile pour le lecteur de se retrouver dans le magma de fictions qui ornent les étals des librairies comme les marchandises envahissent les hypermarchés. Le divertissement, devenu la norme au risque d’endormir insidieusement les esprits, laisse peu de place au doute, la tension semble diluée, presque rien ne dérange, pas grand-chose ne dépasse. Alors, pour celui qui a faim d’autre chose que de spectacle et qui ne déteste pas être dérangé – «Etre scandalisé, un plaisir», assurait Pasolini –, il s’agit de résister en cherchant les lignes qui dévient, la littérature, la vraie, ce souffle qui a «la faculté d’empêcher la folie du monde de s’emparer totalement de nous», comme l’écrit Alberto Manguel. Quatre experts nous éclairent sur les mots d’aujourd’hui, l’influence du web, la mort imminente du droit d’auteur, celle de la figure de l’écrivain, sur le remix aussi, et l’irrévérence anglo-saxonne ou helvétique… L’éditeur Gérard Berréby, l’écrivain et professeur Andrew Gallix, le journaliste Augustin Trapenard et le critique d’art Hervé Laurent ont accepté de surcroît de dévoiler leurs titres préférés de la rentrée.

Andrew Gallix
Ecrivain, éditeur, professeur à la Sorbonne

L’écriture a cinquante ans de retard sur la peinture – triste constat de l’artiste Brion Gysin dans les années 60… «Et, pour le philosophe et romancier anglais Lars Iyer, la situation n’a fait qu’empirer. Le roman, censé échapper au monde des genres, est lui-même devenu un genre. Pour lui, la littérature est morte (comme la musique classique avant elle) et les livres que l’on peut encore écrire doivent exprimer la distance qui nous sépare de la grande littérature du passé. Cette «postlittérature» s’inscrit d’ailleurs dans un contexte politique et culturel plus général: pour Mark Fisher ou Simon Reynolds, par exemple, la modernité est derrière nous. Cette nouvelle crise du roman, symbolisée par Reality Hunger, le manifeste de David Shields, se traduit souvent par un rejet de la fiction.» Les idées se bousculent dans l’esprit brillant d’Andrew Gallix. L’écrivain britannique, professeur à la Sorbonne, collaborateur du quotidien The Guardian, punk depuis l’âge de 12 ans, a lancé en 2000 le premier blog littéraire en anglais, «3:AM Magazine»1, dont le mot d’ordre est le très groucho-marxesque: «De quoi qu’il s’agisse, nous sommes contre». Un webzine si avant-gardiste qu’il a donné naissance à un véritable mouvement littéraire, The Offbeat Generation, regroupant des plumes anglophones non conformistes (Tony O’Neill, Ben Myers, Tom McCarthy notamment), rejetant la culture dominante et le monde traditionnel de l’édition. «La littérature est quelque chose qui résiste, analyse-t-il. Même s’il n’existe plus vraiment d’avant-garde – le web l’a diluée en quelque sorte –, je remarque que l’écriture conceptuelle, expérimentale prend de plus en plus d’importance. Il y a toute une génération d’auteurs qui reste très influencée par la théorie poststructuraliste de Derrida, je pense notamment à Rachel Kushner. Il y a un autre courant d’écrivains, américains pour la plupart, qui s’inscrit dans la directe lignée de l’éditeur Gordon Lish – celui qui a en quelque sorte fait Raymond Carver. Pour eux, tout se passe au niveau de la phrase. Et, pour finir, je trouve passionnante et à suivre la scène littéraire qui s’est formée autour de la revue new-yorkaise n+1 (nplusonemag.com).»
1 http://www.andrewgallix.com / http://www.3ammagazine.com

Il lit:
Au départ d’Atocha, Ben Lerner (à paraître)
C, Tom McCarthy, L’Olivier
Nue, Jean-Philippe Toussaint, Editions de Minuit

The Time of its Being Furthered

Ben Lerner, Leaving the Atocha Station, 2011: 90-91

I put down the book and began to think: this strange experience of reading, the sense of harmony between the rhythms of a reproduction and the real, their structural identity, so that the subject of the sentence was precisely the time of its being furthered — this was what I valued in one of the only people I described as a “major poet” without irony, John Ashbery. … Reading an Ashbery sentence, an elaborate sentence stretched over many lines, one felt the arc and feel of thinking in the absence of thoughts. … The “it” in an Ashbery poem seemed ultimately to refer to the mysteries of the poem itself. … The best Ashbery poems, I thought, although not in these words, describe what it’s like to read an Ashbery poem; his poems refer to how their reference evanesces. And when you read about your reading in the time of your reading, mediacy is experienced immediately. It is as though the actual Ashbery poem were concealed from you, written on the other side of a mirrored surface, and you saw only the reflection of your reading. But by reflecting your reading, Ashbery’s poems allow you to attend to your attention, to experience your experience, thereby enabling a strange kind of presence. But it is a presence that keeps the virtual possibilities of poetry intact because the true poem remains behind you, inscribed on the far side of the mirror: “You have it but you don’t have it. / You miss it, it misses you. / You miss each other.”